(source article ARIASE – 28-11-2012)
Le nouveau numéro des « Cahiers de l’ARCEP », la publication du Gendarme des Télécoms, est l’occasion pour les opérateurs de défendre leur vision du déploiement du très haut débit en France. Et le moins que l’on puisse dire c’est que les avis divergent malgré la ligne directrice fixée par le Gouvernement.
L’aménagement numérique des territoires fait couler beaucoup d’encre. Et si les enjeux (compétitivité des entreprises et des territoires, croissance de l’économie numérique, nouveaux usages…) sont bien connus, les questions du financement et de l’égalité des territoires sont loin d’être entièrement réglées.
Vers l’égalité numérique des territoires (et des citoyens) ? Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement, prévient d’emblée que « pour que le progrès puisse être partagé par tous, qu’il ne soit pas réservé aux seuls territoires très denses, équipés spontanément par les opérateurs, la question des infrastructures redevient première ».
Bien entendu, l’ARCEP a mis en place un cadre réglementaire pour le déploiement de la fibre optique en zone dense et non dense, mais quels moyens et quelle péréquation le gouvernement compte-t-il mettre en œuvre pour assurer l’égalité numérique des territoires ?
Pour Jacques Pélissard, président de l’Association des Maires de France, « les conditions ne sont pas remplies pour atteindre l’objectif ambitieux d’une couverture de l’ensemble de la population en fibre optique d’ici 2022. » Le député-maire de Lons-le-Saunier souligne par ailleurs le manque de visibilité sur l’engagement réel des opérateurs et la concrétisation de leurs intentions d’investir. Sans parler du mode de financement du fonds d’aménagement numérique du territoire (FANT) qui n’est toujours pas arrêté.
Vanik Berberian, président de l’Association des maires ruraux de France, enfonce le clou et affirme qu’en « matière de couverture, le seul objectif valable est d’atteindre 100 % […] pour nous, qui ne sommes pas dans une logique de rentabilité mais de service public, les derniers 0,5 % valent autant que les premiers 99,5 % ».
Bouygues Télécom Et les opérateurs, qu’en pensent-ils ? Deux camps se dessinent finalement avec d’un côté Bouygues Télécom / SFR, et de l’autre Orange / Free. Pour Didier Casas, le secrétaire général de Bouygues Télécom, le déploiement du FTTH à deux vitesses serait désastreux. Il milite pour que « la réglementation réserve la mise en œuvre de la montée en débit sur cuivre aux secteurs dans lesquels un déploiement de la fibre n’est pas économiquement viable dans les dix ans à venir, et sous réserve que les travaux engagés puissent être réutilisés pour le Ftth ».
Bouygues Télécom souhaiterait également « sécuriser les investissements dans les réseaux optiques en fixant clairement un horizon d’extinction du cuivre. Concernant les réseaux d’initiative publique, Didier Casas estime qu’il faut soutenir les RIP interdépartementaux ou régionaux qui attireraient davantage les opérateurs nationaux.
SFR Philippe Logak, secrétaire général de SFR, insiste sur le fait qu’il ne « faut pas perturber les investissements dans la fibre ». Pour SFR, l’une des clés du déploiement du très haut débit réside dans une fiscalité plus équilibrée entre les différents acteurs. Philippe Logak défend ainsi l’idée que les « fournisseurs de services et les prestataires de transit contribuent aux investissements des opérateurs ».
Quand à la montée en débit de la sous-boucle de cuivre comme le VDSL2, SFR estime qu’elle ne doit être retenue que pour les zones non dégroupées en priorité ou non dégroupables, afin de ne pas perturber les investissements dans la fibre ».
Orange Dans la lignée de SFR, Orange rappelle que « la pression fiscale et réglementaire sur les opérateurs n’a pas diminué mais a même eu, au contraire, tendance à s’accroître ». Plutôt que de cibler certains acteurs du numérique, Orange estime que les « pouvoirs publics ont eu tendance à privilégier une vision consumériste à court terme, au détriment de considérations industrielles favorables aux investissements ».
Pierre Louette, directeur général adjoint d’Orange, affirme que « la complémentarité est une condition essentielle de l’efficacité des investissements » pour le déploiement du très haut débit. Orange évoque bien entendu les partenariats publics/privés comme par exemple les conventions avec les collectivités locales (en Bretagne notamment).
L’opérateur historique va plus loin et déclare que « ce n’est que par la mobilisation des différentes technologies disponibles (FTTH mais aussi montée vers le très haut débit, voire satellite) qu’il sera possible de répondre aux attentes du plus grand nombre et de garantir un aménagement numérique équitable entre les territoires ».
Iliad-Free Maxime Lombardini, directeur général d’Iliad, partage le même point de vue en déclarant que plutôt que de fibrer dans l’urgence tout le territoire, nous sommes fermement convaincus qu’il faut jouer de la complémentarité des solutions techniques ; FTTH là où l’équation économique le permet, montée en performance du cuivre partout où c’est possible, et solutions complémentaires 4G et satellite pour l’habitat isolé ».
Hostile aux idées de taxation du cuivre ou des abonnements dans le but de financer le FTTH – et notamment « la couverture à grand frais des zones les moins denses » – Maxime Lombardini plaide plutôt pour bâtir sans attendre « un plan ambitieux et peu coûteux de montée en capacité du cuivre ».
Les opérateurs ne partagent pas la même vision de l’aménagement numérique et chacun défend sa stratégie. Fleur Péllerin, ministre chargé de l’économie numérique, a réaffirmé lors du colloque 2012 de l’ARCEP la volonté de l’Etat d’endosser un véritable rôle de planificateur et de chef d’orchestre des déploiements du très haut débit. La feuille de route présentée par le Gouvernement en février 2013 réussira-t-elle à concilier les intérêts variés des opérateurs et les attentes des collectivités locales ?
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