Le déploiement de la 5G en France

Alors que les opérateurs de téléphonie mobiles proposent les premiers services commerciaux depuis fin  2020, le déploiement des équipements 5G dans la bande de fréquence 3,5 GHz se fera progressivement, sur plusieurs années.

Quel est le processus d'attribution des fréquences 5G en France ?

Le 2 avril 2020, l’Arcep a annoncé la qualification des quatre opérateurs mobiles- Bouygues Telecom, Free Mobile, Orange et SFR – candidats à l’attribution de fréquences dans la bande 3,4-3,8 GHz, aussi appelée bande 3,5 GHz. Ils ont pris des engagements qui leur permettront d’obtenir, chacun, au terme de la procédure et pour un montant de 350 millions d’euros, un bloc de 50 MHz.

Le 29 septembre 2020, les quatre candidats ont été autorisés à participer à l’enchère principale pour l’attribution des 11 blocs de 10 MHz encore disponibles dans la bande 3,5 GHz. Le prix de réserve déterminé par le Gouvernement est de 70 millions d'euros par bloc de 10 MHz.

L'enchère s'est terminée le 1er octobre 2020 : le prix unitaire d’un bloc de 10 MHz a atteint 126 millions d’euros.

L’ouverture commerciale de la 5G a ensuite été réalisée en fin d’année 2020. Les opérateurs proposent les premiers services commerciaux dans la bande 3,5 GHz. Le déploiement des équipements 5G dans cette bande se fera progressivement, sur plusieurs années.

L’attribution de nouvelles fréquences est un enjeu distinct du saut technologique comme par exemple l’arrivée de la 4G

Comme la 4G en son temps, la 5G a été conçue pour utiliser plusieurs bandes et cumuler les avantages des fréquences « basses » (en dessous de 1 GHz, comme la bande 700 MHz), « moyennes » (entre 1 et 7 GHz) et « hautes » (au-delà de 7 GHz).

Les bandes basses diffusent le signal très loin et couvrent donc un large territoire avec peu d'antennes. A l'autre extrême, les bandes hautes ont un rayon limité, mais leurs tuyaux sont très larges et offrent donc plus de débits ou servent plus de consommateurs en simultané. Au milieu, les bandes moyennes sont recherchées par les opérateurs, car elles offrent le meilleur des deux mondes : couverture et capacité.

La bande 3,5 GHz qui sera prochainement attribuée (310 MHz précisément, correspondant à la bande 3 490-3 800 MHz) représente environ la moitié du « gâteau » spectral dont les opérateurs disposent aujourd'hui. Ces fréquences nouvelles mises aux enchères par les Etats sont des ressources publiques rares indispensables pour permettre aux opérateurs d’accompagner la croissance avérée de la consommation de données par les utilisateurs.

Cette bande de fréquences est particulièrement adaptée au renforcement de la densification des réseaux dans les zones urbaines ou zones à fortes concentrations d’usages. A l‘inverse, la portée réduite des ondes de cette bande fait qu'elle n’est pas adaptée pour couvrir efficacement l’ensemble du territoire. En outre, la mise en œuvre de ces fréquences additionnelles implique pour les opérateurs d’installer de nouvelles antennes, ce qui prend du temps.

D’ores et déjà, des fréquences plus basses, et notamment la bande 700 MHz, permettent de déployer la technologie 5G. Ces bandes basses offrent le double avantage de couvrir des zones plus vastes et pénétrer beaucoup mieux dans les bâtiments.

Quelle que soit la bande de fréquences, le débit sera plus important en 5G qu'en 4G, du fait d'un codage plus efficace. La dernière technologie offre environ 15% de débit en plus par MHz, y compris dans la bande 700 MHz. Toutefois, la large quantité de fréquences disponibles dans la bande 3,5 GHz, dont les premiers déploiements devraient concerner notamment des zones urbaines denses, est de nature à permettre un saut de capacité, qui ne se produira pas avec la bande 700 MHz dans les zones rurales.

L’harmonisation européenne et le principe de neutralité technologique

Les textes de l’Arcep et du Gouvernement (décisions et arrêtés), qui portent sur les modalités et les conditions d’attribution d’autorisations d’utilisation de fréquences dans la bande 3,5 GHz en France métropolitaine, parlent de « réseau mobile ouvert au public » ou « système mobile terrestre », et non pas de 5G.

D’une manière générale, l’Arcep applique, dans le cadre de ses missions d’attribution des fréquences, le principe de neutralité technologique. Ce principe découle du cadre réglementaire européen.

La procédure d’attribution de la bande 3,5 GHz s’inscrit dans un contexte mondial et européen de mise en œuvre de la technologie 5G, qui correspond à l’écosystème du moment. Les conditions d’usage des fréquences appellent une harmonisation entre les Etats, avec une dimension aussi large que possible.

L’harmonisation est essentielle pour contribuer au développement d’un marché suffisamment étendu, et in fine à l’émergence d’un écosystème. En France, ce travail d’harmonisation est conduit par l’ANFR (Agence nationale des fréquences).

Les nouvelles fréquences 3,5 GHz, adaptées plutôt aux zones urbaines denses, seront déployées ; la couverture des zones rurales doit se poursuivre simultanément

Dès 2017, la Présidence estonienne de l’Union européenne avait proposé une feuille de route pour la 5G, co-signée par tous les ministres chargés des communications électroniques des États membres, qui prévoit notamment la couverture 5G d'au moins une grande ville par État membre en 2020 et des principales zones urbaines et principaux axes de transport d’ici 2025.

Le sujet de la 5G n’est donc pas nouveau. Il était d’ailleurs déjà bien connu et engagé lors de la conclusion, en janvier 2018, du New Deal (accord conclu entre l’Etat, l’Arcep et les opérateurs, fixant des objectifs pour apporter la 4G à l'ensemble de la population dans les meilleurs délais). L’introduction, par les opérateurs, de la technologie 5G sur leurs réseaux ne doit ni remettre en question ni rendre obsolètes les dispositions du New Deal. Les deux chantiers répondent à des enjeux spécifiques et doivent être menés à bien, sans frottements.

Dans les zones rurales, l'enjeu n’est pas “d'afficher” une couverture 5G par principe mais bien d'améliorer l'expérience usager avec plus de débit et plus de couverture. Pour cela, l’introduction annoncée de la 5G dans les bandes basses, par exemple la bande 700 MHz, pourrait s’avérer déceptive, car ces fréquences, si elles permettent une couverture plus étendue, ne présentent pas les caractéristiques requises pour le “saut en débit”.

A l'inverse, la bande 3,5 GHz est de nature à permettre un meilleur débit et plus de capacité, mais impose la multiplication, qui pourrait être de l’ordre de deux ou trois, du nombre d'antennes pour une couverture équivalente à celle actuellement disponible. C'est toute la complexité entre objectifs de couverture étendue et augmentation des débits par usager.

La 5G s’inscrit dans un processus continu d’augmentation du débit de connectivité mobile et offre un vrai saut en matière de “temps réel ou latence”

Le déploiement de la 5G s’inscrit dans une évolution continue depuis les années 1980 de technologies (GSM, UMTS, LTE) visant, au cours des générations successives, à transmettre la voix, puis les données, avec un accroissement du débit d’information. La mise en œuvre de la 5G s’inscrit également dans un objectif d’optimisation technico-économique de la connectivité, au bénéfice de l’ensemble des citoyens, et en cohérence avec les enjeux environnementaux croissants.

A chaque génération, le débit s’accroît : entre la 4G et la 5G, l’ordre de grandeur s’apparente, de manière approximative, à un facteur 10.

Débits associés aux différentes générations de réseaux mobiles
Débit maximal 0,3 Mbit/s 7,2 Mbit/s 42 Mbit/s 150 Mbit/s 300 Mbit/s – 1 Gbit/s 1 – 10 Gbit/s
Débit moyen 0,1 Mbit/s 1,5 Mbit/s 5 Mbit/s 10 Mbit/s 15 Mbit/s – 50 Mbit/s 50 Mbit/s et plus

La 5G, qui cohabitera avec les générations précédentes de réseaux mobiles, utilisera, dans un premier temps, des bandes de fréquences déjà exploitées par celles-ci ainsi que la bande 3,5 GHz.

Cette bande 3,5 GHz sera déployée pour répondre à la croissance du trafic de données et au problème de capacité des réseaux mobiles dans les zones urbaines denses. Plusieurs opérateurs mobiles ont mis en évidence un manque de ressources attendu vers 2022 en France, avec un risque de baisse de la qualité de service pour l’utilisateur. La consommation de données par les utilisateurs croît de manière très significative :

- Le volume total de données consommées sur les réseaux mobiles a ainsi été multiplié par 9 entre 2016 et 2020 ;

- La consommation mensuelle moyenne, par carte SIM, de données sur les réseaux mobiles a augmenté de 43% entre le premier trimestre 2019 et le premier trimestre 2020.

Tactis - Consommation moyenne des données sur les réseaux mobiles en gigaoctet

Les stations de base radio, qui communiquent avec les terminaux mobiles, fonctionnent aujourd’hui sur les technologies 2G, 3G et 4G. La 5G consistera en une évolution logicielle de ces équipements.

La mise en œuvre de la bande 3,5 GHz nécessitera l’ajout de nouvelles antennes, notamment sur les supports existants.

L’utilisation de cette bande 3,5 GHz permet la mise en œuvre d’antennes actives, i.e. antennes massive MIMO (multiple input multiple output), dites aussi « intelligentes ». Ces antennes ne sont d’ailleurs pas spécifiques à la 5G. Elles contiennent plusieurs petites antennes, pour des émissions focalisées. Cette solution doit permettre d’économiser l’énergie, à volume de données constant, en n’émettant qu’à la demande ou en se mettant en veille en l’absence de demande de service.

Des classes d’antennes-relais ont été standardisées par des organismes internationaux

• Antennes « macro » longue portée : puissances injectées de plus de 6,3 W (type d’antennes utilisées pour le réseau macro actuel des opérateurs) ;
• Antennes « micro » moyenne portée : puissances injectées comprises entre 250 mW et 6,3 W (type d’antennes indoor ou outdoor utilisées sur du mobilier urbain par exemple) ;
• Antennes « pico » de portée locale : puissances injectées comprises entre 100 mW et 250 mW (type d’antennes indoor, utilisées par exemple dans les centres commerciaux) ;
• Antenne « femto » de portée résidentielle : puissances injectées inférieures à 100 mW (antennes indoor utilisées chez les particuliers, comparable à des « box »).

Enfin, le passage à la 5G requiert de nouveaux terminaux. Le parc de terminaux se renouvelle naturellement par cycle d’environ deux ans.

Les fréquences radio : une ressource rare à optimiser

Le déploiement de la 5G dans les réseaux mobiles existants se fera de façon progressive. Une pratique bien établie dans le secteur des communications électroniques, en particulier mobiles, est d’assurer le changement dans la continuité, c’est-à-dire de déployer une nouvelle génération de manière incrémentale, en continuant d’exploiter les générations précédentes afin de garantir la continuité du service offert aux utilisateurs et leur laisser le libre choix de son évolution. Cette évolution s’accompagne d’une réutilisation progressive des anciennes bandes de fréquences par la dernière technologie déployée pour optimiser globalement l’usage du patrimoine de spectre (refarming).

La 5G doit prochainement se déployer dans la bande 3,5 GHz, historiquement utilisée pour des services par satellite ou des boucles radio locales, et peut utiliser des fréquences plus basses, déjà largement utilisées par les opérateurs mobiles.

700 MHz

Tactis - Répartition des fréquences 700 MHz

800 MHz

Tactis - Répartition des fréquences 800 MHz

900 MHz

Tactis - Répartition des fréquences 900 MHz

1800 MHz

Tactis - Répartition des fréquences 1800 MHz

1900 - 1920 MHz

Tactis - Répartition des bandes de fréquence 1900-1920 MHz

2,1 GHz

Tactis - Répartition des fréquences 2,1 GHz

2,6 GHz FDD

Tactis - Répartition des fréquences 2,6 GHz

2,6 GHz TDD

Tactis - Bande des 2,6GHz TDD

Source des graphiques ci-dessus : ANFR - Observatoire du déploiement des réseaux mobiles - Métropole - Résultats au 1er septembre 2020

Niveaux d’exposition aux ondes et 5G

Les valeurs limites d’exposition aux ondes électromagnétiques font l’objet, depuis 1998, de lignes directrices, élaborées par une organisation internationale non gouvernementale de nature scientifique, et appelée ICNIRP (international Commission on non-ionizing radiation protection). Cette organisation scientifique, reconnue notamment par l’OMS (Organisation mondiale de la santé), établit ces valeurs limites d’exposition sur la base des seuls effets délétères aujourd’hui avérés : les effets thermiques sur les tissus, pour une exposition lointaine (antennes) comme pour une exposition proche (terminaux).

Les lignes directrices de l’ICNIRP représentent une référence pour l’OMS, l’Union européenne et une grande majorité des pays, dont la France, qui les a déclinées dans des dispositions réglementaires. De plus, la France a instauré une série d’autres dispositifs pour limiter davantage l’exposition du public au-delà de l’obligation du respect des valeurs limites d’exposition. La France a également mis en place des mesures de surveillance et de contrôle de l’exposition dans les lieux de vie et des émissions par les terminaux.

En France, les mesures actuelles de l’exposition sont largement en-deçà des valeurs limites fixées par la réglementation et leur médiane varie peu au cours des dernières années. Au total, moins de 1% des mesures d’exposition effectuées par l’ANFR dépassent le niveau retenu pour les points dits atypiques, c’est-à-dire soumis à un champ supérieur à 6 V/m, valeur dix fois inférieure au niveau de référence de l’ICNIRP correspondant aux futures bandes de la 5G.

Il est difficile de mesurer l’exposition liée aux usages (c’est-à-dire au contact des terminaux) qui, pourtant, en représentent usuellement la part prépondérante ; l’ANFR contrôle la conformité avec la réglementation des types de téléphones mis sur le marché.

Il est également complexe d’estimer l’évolution des niveaux d’exposition en France du fait de l’arrivée de la 5G. Les éléments disponibles à ce jour permettent d’estimer que l’introduction de la 5G dans la bande 3,5 GHz avec antennes actives ne générera pas de rupture en matière d’exposition dans les zones urbaines, où elle sera majoritairement déployée, par rapport aux évolutions observées avec les réseaux existants, mais peut contribuer à une augmentation du nombre de points atypiques, ce qui devra faire l'objet d'une vigilance particulière.

Les points atypiques sont des lieux dans lesquels les niveaux d’exposition du public aux ondes électromagnétiques dépassent substantiellement les niveaux généralement observés à l’échelle nationale. Le recensement annuel des points atypiques fait part des missions confiées à l’ANFR, en application des dispositions de la loi du 9 février 2015 relative à la sobriété, à la transparence, à l’information et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques. Dans son recensement publié en avril 2020, l’ANFR faisait état de 29 points atypiques identifiés parmi 3 820 mesures effectuées en 2019.

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    Julien Renard

    Expert radio
    Julien Renard dispose de 20 ans d'expérience en matière d'ingénierie radio, de déploiement de réseaux mobiles, de réglementation en matière de fréquences et de couverture mobile, puis plus récemment dans le conseil aux collectitvités en matière d'accompagnement sur les projets liés aux technologies hertziennes fixes (THD Radio) et mobile en tant que chef de projet

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    Florence Erpelding - Tactis

    Florence Erpelding

    Experte connectivité mobile
    Florence a une expérience de près de 20 ans dont plus de de la moitié au sein de l'Arcep et l'Agence nationale des fréquences. Florence est en charge du développement de projets de connectivité mobile auprès notamment des collectivités territoriales, des régulateurs, des investisseurs, des opérateurs de télécommunications et des aménageurs en France et à l'international.