par Stéphane LELUX, Président de TACTIS, Auteur de la saga tectonique du marché français des télécoms (Episodes I à VI de la saga Tectonique du marché français des télécoms à la fin de cet article).
Après une première tentative en février 2013, soldée par un échec. La 2ème tentative fut couronnée par un succès validée le 12 novembre 2014 par le gouvernement français après avis favorable de l’Autorité de la concurrence (27/10/2014). Elle avait été ébruitée par les echos du lundi 24 février 2014 -« Numericable va racheter SFR » .
Peu d’acteurs imaginaient cette issue quelques années auparavant. Numericable étaient alors isolée du marché du mobile et potentiellement fragilisée par l’arrivée de la fibre optique dans les grandes villes puisse racheter le fleuron télécom du groupe Vivendi. Depuis Free Mobile a bouleversé le marché des mobiles, la filiale SFR racheté maladroitement à son allié Vodafone à prix d’or quelques mois auparavant, a perdu pour le groupe dirigé par Jean-René Fourtou son statut de « vache à lait » simultanément à des perspectives d’investissements d’une ampleur inégalée ces dix dernières années (Déploiement 4G et déploiement de l’accès fixe Fibre optique FTTH). Depuis Vivendi cherche une solution pour sortir par le haut de cette situation.
Un jeu gagnant gagnant à court terme
Les dirigeants de Vivendi peuvent ainsi valoriser SFR à un niveau inespéré (>15 milliards euros) sans avoir à attendre une incertaine IPO (contexte concurrentiel du mobile) et ceux d’Altice prendre en main le 2ème acteur français des télécoms fort de la monnaie d’échange que lui offre la récente valorisation boursière de sa filiale Numéricable. D’importantes synergies commerciales sont possibles sur les offres « grand public » et « l’offre entreprise » (Completel filiale de Numéricable et SFR Entreprises sont les deux principaux compétiteurs d’Orange Business Service en France).
Avec 8 milliards d’euros de dettes, l’opération imposera aux nouveau groupe une cure d’amaigrissement pour dégager le cashflow nécessaire au désendettement. Altice est passé maitre en la matière depuis la fusion des grands réseaux câblés français déficitaires en 2005. Après le partage de ses réseaux 4G, la fusion avec l’actionnaire de Numericable pourrait arrêter le déploiement du FTTH chez SFR. En effet, d’importantes synergies sont à possibles dans le déploiement des réseaux fixes très haut débit des grandes villes. Ainsi, TACTIS estime que 93% des logements câbles sont en zone très dense ou zone AMII (zone d’intention d’investissements privés en fibre jusqu’au domicile « FTTH »). Or à peine 10% des investissements ont été réalisés.
Un tel accord pourrait conduire SFR à revoir la nature de ses engagements auprès du gouvernement pour la couverture « Très Haut Débit » des zones denses. La fusion SFR Numericable « perturbe le plan de déploiement Trsè Haut Débit » – Article des Echos (Novembre 2014)
SFR va valoriser la solution FTTLA (fibre jusqu’à des poches de quelques dizaines de clients) déployée par Numéricable qui n’offre pas les mêmes perspectives de performances à moyen terme que la fibre jusqu’au foyer, mais s’avère bien moins coûteuse et plus rapide à déployer pour les zones denses (3500 communes regroupant 57% de la population). SFR pourrait ainsi renoncer au moins pour quelques années à déployer de nouveaux réseaux de Fibre jusqu’au domicile, du moins dans certaines zones déjà câblées.
Dans ces zones denses Orange pourrait très vite se retrouver seul à déployer le FTTH (fibre à domicile) en dehors de quelques communes où FREE a déjà engagé son déploiement Orange et Free auraient un intérêt conjoint à concentrer et accélérer le déploiement du FTTH sur les zones « câblées » pour contenir la concurrence FTTLA du nouveau groupement Numericable SFR.
Pour le reste de la France 90% des communes resteront dépendante d’une initiative publique Très Haut Débit.
La fusion d’autres acteurs comme Bouygues Télécom et Iliad apparaît sous un nouveau jour, article du 24 février 2014 – univers FreeBox sur un possible rapprochement Bouygues-Free : « Bouygues sera contraint à bouger dans les 18 mois. ». Ce rapprochement Iliad – Bouygues Telecom n’a cependant rien d’évident car les synergies et les motivations des actionnaires sont nettement moins évidentes.
De plus, l’ARCEP qui assure la régulation sectorielle a affirmé le 27 janvier 2014 par la voix de son Président qu’il était préférable pour le marché d’avoir des synergies entre acteurs (exemple accord Bouygues et SFR sur le déploiement de la 4G) par la mutualisation des réseaux plutôt que par la fusion des opérateurs.
L’ARCEP craint que la réduction du nombre d’acteurs conduisent à une moindre compétitivité et innovation sectorielle au détriment des clients.
Extrait du discours du Président de l’ARCEP du 27 janvier 2014 : « Il y a eu, ces derniers mois, de nombreuses rumeurs de rapprochement ou de rachat. Nous ne sommes pas ici pour les commenter. Je rappellerai seulement que nous disposons aujourd’hui de 4 opérateurs de réseaux nationaux et d’un câblo-opérateur. Ils sont tous français, ce qui est unique en Europe. Ils sont tous fixe-mobile, à l’exception de Numericable qui a indiqué publiquement son souhait de se rapprocher d’un autre opérateur. Si tel ou tel projet de concentration devait se dessiner, il serait soumis à l’accord préalable des autorités de concurrence. J’en profite pour saluer Bruno Lasserre, président de l’Autorité de la concurrence. Si une concentration devait toutefois avoir lieu, elle conduirait sans doute à une hausse des prix rapide, comme c’est le cas en Autriche après le passage de 4 à 3 opérateurs : instantanément en un trimestre, fin 2013, les prix ont augmenté de près de 10 % ! Une concentration s’accompagnerait aussi, comme vous l’avez récemment souligné, Madame la ministre, de suppressions d’emplois. C’est la face cachée du » modèle » américain : en 10 ans, et après de multiples concentrations, 500 000 emplois y ont été détruits dans le secteur ! La mutualisation des réseaux constitue, selon nous, une voie beaucoup plus appropriée que la concentration des opérateurs, pour améliorer l’efficacité d’ensemble du marché.
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