La « ville durable » a le vent en poupe. Selon la Direction générale du travail, les importations mondiales « ville durable et mobilité » sont estimées à plus de 200 milliards d’euros en 2012, un montant qui devrait croître encore de 100 Mds € d’ici 2022.
Un marché alléchant. Seulement, la France, elle, ne profite pas suffisamment de cet engouement, en tous cas au goût du gouvernement. Lors du sommet mondial Ecocity, en septembre dernier, la ministre du Commerce extérieur, Nicole Bricq a ainsi déploré le recul des entreprises françaises sur les marchés internationaux du développement urbain. Pour y remédier, son ministère a donc développé un programme d’exportation de la ville durable baptisé « Vivapolis ».
Objectif : rendre plus lisible l’offre française et ouvrir les portes des marchés étrangers, a ainsi expliqué la ministre. Cette nouvelle marque française destinée à l’international regroupe 80 entreprises, parmi lesquelles des poids lourds comme Bouygues, Véolia, Eiffage ou encore Alstom, mais aussi près de 70 PME. Les cibles sont toutes trouvées : la Chine (voir « La ville durable, une opportunité pour la France en Chine »), le Maroc, la Turquie et le Brésil.
Le marché de la ville intelligente
Dans la vision de la ville durable du futur, une grande place est généralement accordée aux nouvelles technologies. La ville considérée comme intelligente (smart city) fait déjà l’objet d’un marché conséquent. Selon le cabinet new yorkais ABI Research, le marché des technologies destinées aux villes intelligentes devrait ainsi passer de 8 milliards de dollars en 2010 à près de 40 milliards de dollars (30 milliards €) en 2016.
Les chantiers fleurissent un peu partout dans le monde : SmartAmsterdam aux Pays-Bas, Masdar City à Abu Dhabi,Songdo City en Corée du Sud ou PlanIT Valley au Portugal. Mais l’efficacité de ces projets reste sujette à caution. En Chine par exemple, les eco-cités promises n’ont pas toujours eu le succès escompté… B.H. |
Une approche transversale du développement urbain Se faisant la VRP des entreprises françaises à l’étranger, la ministre n’a pas tari d’éloges sur « l’excellence de l’offre française » : « Nous disposons de champions dans tous les domaines de la ville durable, de la conception aux services aux collectivités, en passant par la mobilité urbaine. » « Mais notre offre est trop peu connue au niveau international car elle dispersée », a insisté Nicole Bricq, en la comparant avec les stratégies de regroupement des concurrents allemand, anglais, japonais ou encore suédois dont lemarketing Symbiocity a inspiré Vivapolis.
La marque française ambitionne à terme de fédérer plus de 200 entreprises et de couvrir toutes les prestations nécessaires à la ville, du cabinet d’architecte à la gestion de services publics. Outre le ministère du Commerce extérieur et Ubifrance, ce programme mobilise différents financeurs publics, comme le ministère de l’Economie à travers le Fonds d’étude et d’aide au secteur privé (Fasep) (4, 2 millions d’euros pour des études de faisabilité) ou l’Agence française de développement qui a versé 150 millions d’euros pour la rénovation d’un quartier de Casablanca.
Mais derrière la marque Vivapolis, existe-t-il réellement une spécificité de l’offre française ? « Oui », selon Antoine Charlot, directeur général adjoint de Comité 21 : « La France a acquis un savoir faire particulier sur la ville durable, une approche transversale du développement urbain. » Pour ce spécialiste du développement territorial, cette spécificité tient notamment à « une maîtrise d’ouvrage composite qui associe architectes, urbanistes, énergéticiens, sociologues, entreprises du bâtiment, artistes et financeurs ».
L’enjeu pour Vivapolis sera donc de conserver la pluralité des acteurs impliqués dans le développement urbain français dans son offre à l’international. « Je suis gêné de voir que la France compte deux labels nationaux de la ville durable, EcoCités et EcoQuartiers, et qu’elle développe à côté la marque Vivapolis », explique Antoine Charlot, qui souligne la nécessaire cohérence de la vision nationale et de la vison à l’export.
Les usages aussi importants que la conception
Le modèle proposé par les entreprises réunies dans Vivapolis penche pour l’instant plutôt du côté de projets livrés clés en main. A l’instar d’UrbanEra®, développé par Bouygues : « Du diagnostic initial au pilotage opérationnel du quartier, cette approche a pour ambition d’optimiser l’ensemble des paramètres du quartier durable », expliquait Fabrice Bonnifet, directeur développement durable du groupe, lors d’Ecocity.
Le projet IssyGrid® à Issy-les-Moulineaux, pour lequel Bouygues Immobilier s’est associé notamment à Alstom, Microsoft et Schneider Electric, devra en faire la démonstration. Cette vision du tout technologique (voir encadré) n’est pas une recette de la ville durable partagée par tous. « Les usages des habitants sont aussi important que la conception du quartier », pointe Antoine Charlot. Ce constat fait écho au discours d’ouverture du directeur exécutif du Pnue, Arab Hoballah, à Ecocity.
Après s’être dit « sidéré » de l’offre pléthorique sur les écotechnologies, l’expert a rappelé que 30 à 50 % d’économies d’énergie sont réalisables dans les bâtiments existants grâce à un changement de comportement et à l’utilisation de technologies facilement disponibles et peu coûteuses. |